Avec l’été les chevaux ont enfin accès à la prairie dans laquelle ils passent de grandes parties de la journée et de la nuit à brouter, de la luzerne et des fleurs sauvages jusque sous le ventre ! Grace à une passerelle dans la forêt ils remontent aussi à quelques reprises dans l’enclos près de la maison.
Je suis toujours émue de les voir arriver.
Les voir sortir de l’ombre des épinettes et apparaître.
C’est chaque fois une révélation, un émoi.
Chacun avec son pas particulier; Sioux et son calme légendaire, Inipi immanquablement au trot, Hope semblant toujours entre deux mondes et Kawa, le plus souvent en dernier, dans sa grande tranquillité. Puis le petit âne, suivi de Tricotin la brebis. Observer leur cohésion, leur vie sans nous, les uns à la suite des autres dans la plus grande assumance et légitimité de qui ils sont. Chaque fois s’ensuit le même rituel. Ils commencent par aller boire. Généralement Hope en premier, suivi d’Inipi et Sioux qui boivent ensemble, tandis que Kawa attend son tour, jouant parfois des oreilles avec le petit âne pour maintenir son rang. Ensuite ils vont faire un détour par la pierre de sel, ou vers le rond de poussière dans lequel ils se roulent pour finalement tous se rassembler autour d’un sapin qui se dresse au milieu de l’enclos. Commencent alors une séance de gratouille, geste de socialisation, entre Hope et Kawa compagnon de vie depuis si longtemps à présent, tandis que Sioux et Inipi collés l’un à l’autre se déposent. Le petit âne se joint à ce grand cercle de repos dont je n’ai pas encore compris tout le sens et la signification (Pourquoi se rassemblent ils à cet endroit ? Qu’est-ce que cet arbre a de particulier pour eux ? Le cercle qu’ils ont tracé au sol adresse t’il un message, une intention ?) tandis que Tricottin, rumine, couchée dans un nid créé par les racines, sans sembler s’inquiéter le moins du monde des ces 16 grandes pattes qui bougent continuellement en raison des mouches et autres gens ailés. Il y a dans cette succession d’action une grande paix, un grand calme, une sorte d’ordre des choses, d’orchestration, d’immuabilité qui m’apaise beaucoup.
Aussi chaque fois l’envie me prend de les rejoindre.
M’asseoir avec eux, entre eux, au pieds de l’arbre moi aussi et gouter à la Medecine du Cercle des Chevaux.
Souvent s’amorce alors un second rituel; un grand ballet de signes me montrant la connexion qu’ils établissent avec moi, un ensemble d’attitudes et de mouvements chargés de me communiquer de multiples informations, prises de conscience auxquelles je n’aurai pas accès autrement. Une énergie que je ne saurai d’écrire mais que je ressens positive. Un soin vibratoire que je m’offre régulièrement sur mon chemin de guérison même si je n’en comprends pas rationnellement les tenants et aboutissants mais auquel je choisi de faire confiance car il fait sens.
Il fait sens de pars les larmes qu’il appelle et dont il me libère.
Il fait sens de pars le grand calme qui s’empare de moi.
Il fait sens de pars le soutien qu’il m’offre lors de ses respirations synchronisées, de ses frottements le long de mon corps, de ses enveloppements qui me font me sentir veillées, entourées, protégées.
Il fait sens par le sentiment de dignité qu’il me restitue dans cette capacité à me faire sentir grande, connectée, reliée, présente, vue et entendue alors que je traverses des espaces qui me font souvent sentir être une petite chose en train de disparaître.
Il fait sens, ce soin vibratoire, cet espace tissé par les chevaux, dans la possibilité de me relier à mon sacré, de me retrouver de me réunir, de me réunifier alors que les brumes de la chimio m’emportent et me disloquent.
Pourtant je résiste. Je résiste trop souvent !
Je résiste malgré l’engagement que j’ai pris de passer au moins autant de temps avec les chevaux que ce celui que j’offre aux autres.
Je résiste malgré l’intensité de l’appel en moi chaque fois que je les vois sortir du bois.
Je résiste malgré l’engagement que j’ai pris envers moi, d’apprendre à me choisir.
Me choisir pour guérir.
Je l’avais senti… mais cette semaine ils me l’ont dit.
En fait ils me l’ont montré. Les chevaux étant gros, ils ont cette capacité de nous faire lever le nez et de voir.
Voir clair.
Voir ce qui s’adresse à nous.
Voir notre angle mort.
Voir ce qui s’offre à nous en toute simplicité, sans jugement, sans culpabilité.
A trois reprises, ces jours derniers, je suis allée les rejoindre.
Ils m’ont montré les signes de connexion, leur présence à moi.
J’ai observé leurs bâillements de libération, leurs mâchouillements d’acquiescements, la position de leurs pattes.
J’ai senti leur souffle dans mon cou dénudé, sur mon crâne chauve, l’apaisement en moi, le ravissement, l’émotion.
Puis je les ai vu.
Je les ai vu s’écarter du cercle, descendre leur tête pour faire quelques pas, la relever le temps d’attendre que tout le monde soit prêt et se diriger tranquillement vers la passerelle pour regagner la prairie.
Chaque fois la même émotion s’est pointée me faisant réaliser que je ne me sentais pas abandonnée ou rejetée mais que j’étais juste déçue de ce « si » petit temps partagé.
Et j’ai compris.
J’ai compris que le temps était écoulé, pas le temps avec moi, mais le temps qu’ils avaient à passer en haut. Et quand ce temps est passé, alors simplement ils se mettent en route. Ils répondent à l’appel en eux, à ce que leur dit leur vie de Cheval.
Dans leur mouvement de troupeau, je levais effectivement le nez et voyais, agrandissais mon champs des possibles, sortais de mon marasme, exerçais ma double vision.
Les chevaux à ce moment me montraient à la fois mon enjeu et sa solution.
Ainsi ils m’ont parlé de cette sensation d’arriver trop tard, de mettre trop de temps à me mettre en route pour profiter de ce qui est bon pour moi, de faire passer les besoins des autres avant les miens, de ma façon de résister à m’offrir du soin.
Ils m’ont parlé de m’écouter, de me porter plus d’attention, de répondre davantage à mes besoins, de m’offrir du temps, de cesser de résister pour enfin consentir, de me choisir, de me donner de l’importance, d’honorer ce qui se présente à moi en le nourrissant.
Et dans leur incroyable sensibilité et générosité ils m’ont montré comment faire, en s’en allant même si j’étais là, même si je m’étais déplacée pour eux, même si j’avais arrêté mes choses pour les approcher, même si j’avais dû mobiliser beaucoup d’énergie pour charrier ma chaise, une couverture, et mon cahier, même si j’avais besoin d’eux.
Lorsque vient le temps pour eux de retourner brouter ils y vont. Ils retournent à leur vie de chevaux d’un pas tranquille, sans jugement ni culpabilité, nous laissant soigneusement méditer sur l’enseignement qu’ils viennent de nous délivrer.
Si vous aussi vous souhaitez bénéficier de la médecine des chevaux, vous n’avez qu’à me contacter pour prendre rendez-vous.
Une participation de 100$ pour 1h30 est demandée, dans la mesure du possible.